Lueurs
23 février 2024 à 20:00
Compagnie Rosilux • Jean-Luc Lagarce, Sophie Lannefranque
théâtre
théâtre
1h30
Un spectacle d’anticipation alternant les images du présent et du futur ainsi que les écritures de deux auteurs : Carthage encore de Jean-Luc Lagarce et Les Effondrés de Sophie Lannefranque.
On y est. Le monde tel qu’on l’a connu n’est plus. Ils sont quatre. Coincés là. Ils attendent un bus, un train, un avion qui ne viendra semble-t-il jamais. Pour ne pas perdre leur place dans la file d’attente, ils ne bougent pas et patientent. Entre badinerie et nostalgie, ils font la conversation, évoquent gentiment le passé, prudemment l’avenir, prisonniers d’un discours neutre et poli. Car une voix dans le silence leur chante les louanges d’un espoir raisonnable.
Lagarce nous décrit un monde de plastique dans lequel le sable est synthétique, les hirondelles mécaniques, les fleurs artificielles et les enfants ne sont pas gratuits… Nos pensées, nos espoirs, nos actes sont dictés par le matraquage verbal d’une voix radiophonique. Tout ce qui appartient à l’imaginaire post-apocalyptique est présent. La dystopie que propose Lagarce est effrayante car elle vient réveiller des peurs bien ancrées dans nos sociétés : apocalypse, catastrophe écologique, nucléaire, régimes totalitaires… Jamais didactique, il évoque cette réalité futuriste par touches, par images floues, tout en se permettant de rester dans l’abstrait voire le surréalisme. C’est là, la force de ce récit : une totale liberté d’interprétation du lecteur. Afin de prendre cette liberté à bras le corps, l’idée est venue de faire exister les quatre personnages dans une autre réalité, celle du monde d’avant. De donner au spectateur une clé supplémentaire d’interprétation en donnant corps aux personnages et une réalité tangible au monde qui était le leur. Pour faire des ponts entre leur histoire et la nôtre.
À partir du texte de Lagarce, Sophie Lannefranque dresse ici quatre portraits à un instant T, à travers quatre monologues. Ils se situent tous avant la catastrophe, alors que le monde ressemble encore à ce que nous connaissons. Bien qu’en restant ancrée dans la fiction, elle joue la confusion et l’équivoque en assumant totalement toute ressemblance avec des faits existants. Entre les lignes, nous devinons alors les histoires qui peuplent nos médias, de la catastrophe au fait divers. À travers la crise qu’ils traversent, chacun d’eux nous racontent un peu le monde qui est le leur, la société dont ils sont issus. Et leurs révoltes, prises de consciences, drames résonnent très fort avec les mécanismes qui régissent l’univers dépeint par Lagarce.
Juliette Heringer
mise en scène : Juliette Heringer / interprétation : Aude Le Jeune, Jean-Pierre Morice, Béatrice Poitevin, Matthieu Repussard / création lumières et son : Antoine Mozonis-Calvet / scénographie : François Villain / régie (en alternance) : Antoine Monzonis-Calvet, François Villain, Romain Mulochau, Patrick Touzard / production : Élodie Biardeau
La compagnie
Compagnie de théâtre angevine, notre objectif est de monter des spectacles, textes d’auteurs ou créations, au gré de l’actualité et des rencontres. Dans les propos qu’ils exposent, dans l’énergie du plateau, nos spectacles se veulent vivants, brûlants, explosifs ou drôles. La dérision est un filtre très précieux dans notre travail car il nous donne une liberté de ton et de parole. Et la question de l’engagement est un véritable marqueur de la théâtralité, que nous souhaitons forte, foisonnante, décollée du réel.
Plus d'infos sur la compagnie
L'auteur
Jean-Luc Lagarce (1957-1995) est actuellement l’auteur contemporain le plus joué en France. Metteur en scène de textes classiques aussi bien que de ses propres pièces, c’est en tant que tel qu’il accède à la reconnaissance de son vivant. Depuis sa disparition en 1995, son œuvre connaît un succès public et critique grandissant. Sophie Lannefranque se forme à l’école du CDN de Saint Etienne de 1989 à 1991. Comédienne, auteure et metteuse en scène, elle crée le Théâtre du Cri en 1996. Elle a mis en scène ses propres textes mais aussi ceux des autres. Elle a reçu plusieurs aides à l’écriture du Centre national du Livre et de la DMDTS. Elle a été en résidence à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon en 1997 et 2000.