Gyrophare, ou t'es foutu·e

Deux comédiennes mènent une enquête rocambolesque et onirique pour déjouer un traumatisme bien caché, et pourtant omniprésent.

Lucie avance dans un quotidien qui lui échappe, ramenée malgré elle à son passé. Une alerte résonne sans pour autant dire son nom : à la manière d’Alice, elle se laisse entraîner dans une avalanche de souvenirs et de cauchemars, en quête d’une résilience. Foutue, presque. La peur peut affoler son cœur, cette généreuse pompe dont la force réside dans le rebond. Rien n’y fera. Aujourd’hui, le cœur ne rompt pas. Demain, il vaincra la sirène hurlante.

La singularité de ce projet réside dans la démarche dramaturgique : à travers des registres et genres complémentaires, cette pièce cherche à montrer la complexité d’une résilience, son articulation périlleuse et finalement une forme de victoire sur l’irréparable. Le schéma narratif est celui oscillant d’un quotidien d’une personne souffrant de troubles de stress post-traumatique (TSPT) : dissociation, crises d’angoisses ou de paranoïas, souvenirs vifs et réguliers de l’événement traumatisant, troubles du sommeil, pensées négatives persistantes, difficulté à établir un contact émotionnel avec ses proches…La création d’un univers alternatif se réalise via les rêves ou les interventions d’un personnage d’“ange gardien”. Cet animal totem protecteur incarne l’évasion vers un imaginaire puissant, qui compense la perte d’ancrage dans le temps présent et l’environnement immédiat. La démarche d’enquête pour mettre le doigt sur la cause du mal-être n’en est que plus difficile car les pistes sont brouillées… Entre la nécessité de guérir et l’incapacité à se reconnecter avec le réel, l’investigation s’appuie sur des témoignages (souvenirs de la victime), des pièces à conviction (messages numériques) et les contributions de l’inconscient (rêves-cauchemars, flashbacks). L’héroïne s’entête dans un déni bancal, mais celui-ci tend à se renverser définitivement.

Louise Bachimont